Avec moins d’un français sur trois satisfait du duel Macron-Le Pen au second tour, cette élection présidentielle a fait de nombreux mécontents. Est-ce que l’on ne pourrait pas changer de mode de scrutin afin de mécontenter le moins de personnes possible ? Deux chercheurs français au CNRS ont relevé le défi et ont créé le jugement majoritaire.
Comment ça marche ?
Les électeurs attribuent un jugement sur chacun des candidats en lice. Ils émettent un avis gradué. Par exemple : A rejeter, insuffisant, passable, assez bien, bien, très bien.
Les explications du jugement majoritaire en images en cliquant sur le schéma ci-dessous !
Qu’est-ce que ça change ?
Actuellement, il est impossible de nuancer son choix. Nous sommes contraints de voter pour ou contre (en glissant ou non un bulletin dans l’urne). Le jugement majoritaire (JM) permet de nuancer son vote en donnant son avis sur tous les candidats, et en graduant les programmes. Le JM permet donc un plus grand respect de l’opinion de chacun, avec ses nuances.
Aujourd’hui, nous assistons, après chaque élection, à un défilé d’« experts » qui passent de plateaux TV en plateaux radios, nous déverser leurs analyses : « Les français veulent…. Telle catégorie de la population souhaite que… » En ne permettant pas la nuance, le scrutin actuel pousse aux erreurs d’appréciation des désirs des citoyens, et de leur véritable avis sur les programmes. Certes, des études qualitatives permettent parfois d’en apprendre davantage sur les motivations des uns et des autres, mais aucun instrument de mesure ne permet de le faire aussi précisément et sur un échantillon aussi complet que ce que permettrait de le faire le jugement majoritaire. Ainsi, le JM permettrait une meilleure mesure de « l’opinion publique ».
Avec le système actuel, les combines politiciennes pré-élections sont monnaies courantes : se rassembler avec untel, promettre un poste à tel autre pour qu’il ne se présente pas… Au final, ce sont les électeurs qui sont lésés. L’offre politique est appauvrie par les accords passés au sommet des partis par des caciques en mal de poste. Dans le système de jugement majoritaire, le nombre de candidats sur la ligne de départ n’influe pas sur les résultats : chaque candidat sera de toutes façons « noté ». Aujourd’hui, il arrive aussi que des programmes très proches se taclent mutuellement. On en a vu un exemple flagrant lors des dernières élections, où les candidatures de MM. Mélenchon et Hamon ont divisé l’électorat de gauche. Le jugement majoritaire permet à des projets politiques proches de coexister sans se télescoper : le scrutin passant à un seul tour, plus besoin de « voter utile ». Le JM permettrait donc de diminuer les risques de marchandages politiciens au profit d’une offre politique élargie, diversifiée.
Le jugement majoritaire est-il parfait ?
Certes non. Il ne résoudra pas les problèmes de financement des plus petites formations politiques, les privant d’une tribune pour faire entendre leurs idées. Les commentateurs trouveront toujours des astuces pour déverser leurs analyses approximatives. Il est fortement possible que des tractations s’opèrent encore en pré-période électorale afin de constituer un groupe plus consistant, notamment financièrement. Mais le fait est que le jugement majoritaire réduit significativement tous ces risques. Pour paraphraser la célèbre formule : c’est le pire mode de scrutin… à l’exception de tous les autres.
Qu’est-ce qu’aurait donnée l’élection présidentielle si elle avait été réalisée au jugement majoritaire ?
C’est la question que se sont posés LaPrimaire.org, des chercheurs du CNRS, de L’université Paris Dauphine et de L’École Polytechnique.
Pour aller plus loin
Dans cette vidéo de Datman, trois modes de scrutin alternatifs sont présentés : le vote par approbation, le vote de valeur et le jugement majoritaire. C’est clair et concis.